PROJET MARZOUKI DE COUR CONSTITUTIONNELLE INTERNATIONALE
الخميس 5 أيلول (سبتمبر) 2013
Sanglante répression en Egypte et en Syrie, espionnage généralisé aux Etats-Unis, droit d’asile maltraité en Europe, écrasement de l’opposition en Chine: on ne compte plus les Etats qui transgressent allégrement les principes juridiques qu’ils ont ratifiés. Sans doute le temps est-il venu de faire appliquer ces règles, non pas avec des canonnières, mais en recourant à l’arme du droit. Par Monique Chemillier-Gendreau
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Obliger les Etats à tenir parole
Par Monique Chemillier-Gendreau Professeur émérite de droit public et de science politique à l’université Paris-Diderot.
L’un des fruits les plus étonnants et les plus inattendus du « printemps arabe » est sans doute le projet d’une Cour constitutionnelle internationale.
Cette idée est née de l’amertume ressentie par M. Moncef Marzouki, actuel président de la République tunisienne (dans l’attente des institutions stables dont la constituante doit doter le pays), face aux impasses du droit international. Sous la dictature de M. Zine El-Abidine Ben Ali, il a vu se succéder des élections organisées dans un contexte de fraude et de terreur, sans que les grands textes internationaux censés garantir les libertés publiques et la démocratie offrent un recours efficace.
Il est vrai que dans la société internationale, bien que la démocratie soit proclamée valeur universelle, il n’existe pas de moyen de la faire appliquer. C’est pourquoi il faut aujourd’hui replacer la bonne foi au centre de la politique, et obliger les représentants des Etats à mettre leurs actes en accord avec leurs engagements . Pour cela, un mécanisme judiciaire permettant de contrôler les dispositions et pratiques constitutionnelles des Etats par rapport aux normes internationales en matière de droits de l’homme et de libertés démocratiques est nécessaire. Cela irait dans le sens des nombreuses Constitutions qui affirment la supériorité du droit international sur le droit interne.
Si la bonne foi a un sens, cela implique certainement qu’on ne puisse vouloir à la fois une chose et son contraire. Si les Etats ont majoritairement adhéré à des conventions internationales disposant, par exemple, que « tout citoyen a le droit : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement élus ; (…) c) d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays », alors les dispositions constitutionnelles ou législatives nationales doivent entériner ce droit, et non y faire obstacle. Il en va de même pour le droit de toute personne à la « liberté de pensée, de conscience et de religion ». A partir de ce principe, toutes religions doivent être respectée mai aucune ne doit être imposée à quiconque.
Culture de l’impunité
OUBLIANT qu’ils sont engagés par ces textes qu’ils ont ratifiés, les Etats les ont considérés jusqu’ici comme des formules incantatoires. Et cela en dépit de la large adhésion à ces pactes, ou` se côtoient les démocraties que l’on nommait « populaires » à l’époque de la guerre froide, certains Etats plus soucieux d’endoctrinement religieux que de libertés, ou encore des dictatures caractérisées. Quant aux pays occidentaux. Si fiers d’avoir été à l’origine de ces textes, ils y voient davantage une vitrine leur permettant de passer pour vertueux qu’un véritable engagement ayant des conséquences sur leurs politiques nationales. La dégradation des conditions dans lesquelles se déroulent les élections partout dans le monde, notamment à travers la manipulation des résultats ou la financement discutable des campagnes, la situation dans les prisons, laquelle est, dans le monde entier, une atteinte fondamentale au principe de la dignité humaine, la manière dont sont traités les étrangers, si souvent en violation des principes posés par les textes sur les droits de l’homme : tout cela résulte de mesures constitutionnelles, législatives ou réglementaires édictées par les Etats dans une superbe ignorance des traités auxquels ils ont souscrit.
Le droit international ne permet pas d’empêcher cette situation. Cela tient à la forte contradiction sur laquelle est construite la Charte de l’Organisation des Nations unies (ONU), laquelle a empêché l’essor d’une communauté mondiale fondée sur des valeurs. D’un coté, elle prône le développement du droit international, mais, de l’autre, elle garantit une conception de la souveraineté qui s’oppose à tout progrès d’un droit international universel. Et lorsque ce dernier tente de s’imposer aux Etats souverains, c’est timidement, en sachant que ceux-ci ont le dernier mot, de sorte que la culture de l’impunité, assise sur le principe d’immunité, a prospéré dans le monde entier. Aucun organe judiciaire international n’est chargé de contrôler l’application des principes démocratiques par les Etats. Les oranges judiciaires qui existent n’ont pas précisément cet objet, et ont une portée limitée.
La cour internationale de justice de La Haye n’est saisie que si les deux Etats concernés par un différent ont exprimé leur accord, et rien ne peut les forcer à le faire. La cour pénale internationale, vue comme un grand progrès, n’a pour objet que de sanctionner les crimes internationaux, et elle reste limitée par le fait que des pays parmi les plus puissants n’ont pas adhéré à son statut. Seule la cour européenne des droits de l’homme est une instance obligatoire pour les Etats et détient le pouvoir de les condamner pour leurs violations de la Charte européenne des droits de l’homme. Mais il s’agit d’une cour régionale, à portée géographique limitée. Ainsi un vide se dessine-t-il dans l’architecture institutionnelle du monde. Le projet tunisien vient pour le combler sous certains aspects.
L’originalité de la cour projetée tient à ce qu’elle est centrée sur les libertés publiques-celles- là mêmes qui sont constitutives de la démocratie-en même temps que sur les droits de l’homme, dont la garantie est elle-même un principe démocratique. Ainsi la défense de la démocratie est-elle au cœur du projet. Les organismes internationaux existants – eux-mêmes assez peu démocratiques – n’ont fourni que des efforts bien limités pour faire mieux respecter les obligations prises par les Etats. Le Conseil des droits de l’homme, le comité des droits de l’homme, sans oublier les organismes régionaux, n’ont pas réels pouvoirs juridictionnels. Pourtant, les normes résultant des pactes des Nations unies ou d’autres conventions, comme celle sur les droits de l’enfant ou sur les droits des migrants, sans compter les très nombreuses résolutions des Nations unies consacrant le principe de légitimité démocratique et détaillant les obligations qui incombent aux Etats pour le réaliser, forment aujourd’hui une véritable normativité constitutionnelle internationale. La cour imaginée par le projet tunisien a pour but de la mettre en œuvre.
Cette cour appliquerait les principes et règles relatifs à la démocratie et aux libertés publiques à travers une double fonction consultative et contentieuse. Sur le premier plan, elle pourrait être interrogée par divers acteurs inquiets de voir se préparer une situation contraire démocratique : les gouvernements eux-mêmes des organisations internationales universelles ou régionales, des organisations non gouvernementales (ONG), des partis politiques, des associations internationales ou des organisations professionnelles. Tous auraient donc la possibilité de soumettre des projets de texte ou des textes en rapport avec la démocratie et les droits de l’homme à la cour. Celle-ci rendrait un avis motivé évaluant si le texte qui lui est soumis est conforme ou pas aux principes et aux règles relatifs à la démocratie et aux libertés publiques.
Sur le plan contentieux, elle pourrait être saisie par des individus (à condition qu’ils aient un soutien pétitionnaire), des organes pléniers d’organisations internationales universelles ou régionales, des ONG. Ceux-ci lui soumettraient toute atteinte grave (des faits ou des actes juridiques) aux principes démocratiques et aux conditions démocratiques des élections. L’Etat concerné serait tenu de donner suite aux décisions de conformité ou de non-conformité qu’elle rendrait.
Les juges seraient au nombre de vingt et un-ou plus, si le succès de la cour l’exigeait. Pour les mettre à l’abri de l’influence politique des Etats, ils seraient choisis au terme d’un processus en trois étapes. Les Etats auraient un rôle dans l’élaboration d’une première liste de candidats, chacun étant prié de proposer un nom. Cette liste serait soumise à un collège composé des juges à la cour pénale internationale et des membres de la commission de droit international des Notions unies, c’est-à-dire de personnes ayant la meilleure connaissance à la fois du droit international et du milieu des juristes internationaux. Ce collège sélectionnerait sur la liste préétablie quarante-deux noms parmi les plus compétents et les plus intègres. Enfin, il reviendrait à l’Assemblée générale des Nations unies de choisir les vingt et un juges parmi ceux figurant sur cette liste restreinte.
Pas de menace sur la souveraineté
A n’en pas douter, les esprits chagrins invoqueront de multiples obstacles. Sans doute objectera-t-on qu’il existe déjà, de manière variable selon les pays et les grandes régions du monde, des recours internes et régionaux. L’argument ne saurait convaincre de l’inutilité de la nouvelle cour, dans la mesure où, à ce jour, aucune sanction juridictionnelle des violations de la normativité constitutionnelle internationale n’a été organisée. Les unions régionales (africaine ou interaméricaine) ont prévu des sanctions (suspension ou exclusion de l’organisation), mais elles sont limitées aux coups d’Etat. L’Union européenne va plus loin : les articles 2 et 7 du traité sur l’Union européenne prévoient des sanctions en cas de violation des principes démocratique en général, et les accords d’association avec les pays tiers comportent une clause démocratique dont la violation entraine – du moins théoriquement – la suspension de l’accord. Le projet devra donc articuler le nouveau mécanisme judiciaire à ceux existant déjà. Il va de soi que la nouvelle cour ne pourra être saisie que si les justiciables ont préalablement épuisé les voies de recours que le système interne de l’Etat concerné peut leur offrir. De même, il faudra prévoir une articulation avec les procédures régionales là où il en existe.
On opposera sans doute l’argument du nécessaire respect de la souveraineté des Etats. Mais, en réalité, dans de nombreux pays où les citoyens sont tentés par des idéologies dangereusement nationalistes, on oublie cette vérité : ce qui peut le mieux les protéger, ce sont des progrès bien contrôlés du droit international, et non sa régression. D’autant que, il faut le rappeler, si le droit international, en s’affirmant, limite le champ de la souveraineté, ce droit international est lui-même le produit d’un accord entre les souverainetés. Avec le projet de Cour constitutionnelle internationale, il n’y a pas de menace sur la souverainté, mais seulement l’exigence que des engagements pris en toute souverainté soient respectés.
L’Union africaine a déjà voté une résolution de soutien à ce projet. Il sera présenté à l’Assemblée générale des Nations unies à l’automne 2013. Les citoyens du monde soucieux de voir progresser réellement la démocratie ont une grande responsabilité : celle d’obtenir le soutien de ce que l’on nomme la « société civile », mais aussi des instances nationales et des partis politique attachés au progrès véritable de la démocratie. Il ne restera plus aux Etats qu’à l’adopter, sauf à afficher, toute honte bue, leur choix de la mauvaise foi.
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